La décision salariale encadrée par une formule objective

Après avoir vu, lors de nos deux précédents épisodes, la méthode traditionnelle de fixation des salaires consistant à laisser le management décider des rémunérations après négociation individuelle (épisode 1) et la méthode opposée laissant les salariés décider après consultation des équipes (épisode 2), nous vous proposons d’étudier celle qui nous semble au juste milieu de ces 2 approches : organiser une grille de salaire autour d’une formule objective.

Épisode 3 : La décision salariale encadrée par une formule objective

En 2013, Buffer, en décrivant précisément sa formule et méthodologie, est devenue une des entreprises phares de cette méthode et est souvent citée comme source d’inspiration. Cela a été le cas notamment pour Captain Train ou PayFit. D’autres entreprises ont communiqué leur méthode originale telles que Gitlab et plus récemment Alan.

La formule qui se veut compréhensible et transparente a pour objectif de déterminer un salaire au regard de quelques critères applicables indifféremment à tous les employés.

Nous avons répertorié les critères les plus fréquents. Nous vous proposons de les passer en revue sachant qu’une formule n’en comprend en général que quelques-uns parmi ceux-ci :

  • Le marché du travail : un salaire de base ou une fourchette de salaire par typologie de métier sert en général de base de calcul. À lui seront ajoutés les autres critères différenciant un salarié d’un autre. Il permet de rester connecté à la concurrence et doit donc être évalué régulièrement.
  • L’expérience métier : illustre les fameux « nombre d’années d’expérience » des offres d’emplois. « Illustre » c’est à dire définit des critères objectifs qui permettront de caractériser les compétences acquises sur un métier et transposables dans toutes les entreprises.
  • Le nombre d’années d’expérience : critère objectif par excellence, on en redemanderait des comme lui ! Il permet d’assurer des hausses de salaires régulières et automatiques. Pourtant, certains employés évoluent plus vite que d’autres et devraient, selon nous, avoir une évolution salariale qui reflète cette évolution. C’est pourquoi, à l'indexation automatique au nombre d’année d’expérience, nous préférons mettre en valeur les réelles compétences au travers du critère de l’expérience métier. De cette manière, il est également plus facile de jauger les carrières non linéaires, les reconversion, etc.
  • L’impact du salarié dans l’entreprise : ici nous parlons de la connaissance des rouages de l’entreprise, son histoire, son organisation, et les spécificités de son industrie. Ces compétences sont communes quelque soit le rôle du salarié et lui permet de devenir clef dans cette entreprise spécifique.
  • La dimension managériale : à l’heure où 80% des employés disent ne pas avoir envie de devenir manager, il peut être intéressant de valoriser ces fonctions, ces tâches qui doivent bien être effectués pour le bon fonctionnement de l’organisation. Ce critère peut donc être utile à nombre d’entreprise quelque soient leur organisation : pyramidale ou horizontale. A l’entreprise éventuellement de réinventer les fonctions ou à les désincarner, si elle le souhaite, au travers de rôles ou tâches spécifiques.
  • Le lieu du travail : en moyenne il existe un écart Paris / Province de 20% sans parler des écarts avec l’international. La formule doit pouvoir le prendre en compte pour optimiser la masse salariale et l’équité entre salariés. Selon nous, le télétravail devrait à terme lisser ces différences sur le territoire français, en particulier pour certains métiers en tension : un développeur ou employé du service client peut aussi bien travailler de chez lui pour une entreprise hors ou dans une métropole et aura donc le choix de l’entreprise la mieux payante.
  • Le type de contrat : Le temps de travail devra être pris en compte dans le salaire final. Attention, nous avons parfois pu lire dans ce critère une différence de traitement selon le statut : CDD, CDI par ex., ce traitement différencié n’est pas légal.
  • Equity / BSPCE : selon l’appétence au risque des salariés, certains peuvent choisir de diminuer leur salaire fixe au profit de plus d’equity ou inversement. ll peut donc être avantageux pour une entreprise de mettre en avant ce critère pour encourager l’implication de ses salariés dans les résultats de l’entreprise et pour diminuer ses flux de trésorerie.

Définir des critères et les organiser à travers une formule combine certains des avantages que nous retrouvions dans l’une ou l’autre des approches décrites précédemment.

La transparence de la formule joue sur :

  • Le climat de confiance. Loin des rumeurs et fausses informations qui circulent lorsque la méthode est opaque, une formule simple et claire permet à chacun de comprendre les enjeux de la politique salariale et de s’y projeter sereinement.
  • La concrétisation des valeurs. Atout pour le recrutement, cette méthode illustre objectivement les valeurs d’équité et de transparence.

L’objectivité des critères facilite :

  • La gestion de carrière. Chaque employé ou candidat au recrutement sait où il en est et comment il peut évoluer. Les évolutions transversales sont facilitées à travers la description précise des différents rôles.
  • Les feedbacks constructifs. La subjectivité naturelle des référents et managers est encadrée. Ils peuvent s’appuyer sur des critères précis pour expliquer les points forts qu’ils reconnaissent et les évolutions qu’ils attendent dans leur équipe.
  • L’ambiance de travail assainie. L’évaluation des compétences se fait quelque soit le bagou ou au contraire la timidité de l’employé. Le salaire est bien proportionnel à la valeur et non à l’ego. Ainsi les jalousies, frustrations sont évitées et tous les écarts peuvent être justifiés.
  • La visualisation des besoins de l’entreprise. La visualisation de l’ensemble des compétences permet à l’entreprise d’identifier ses forces et faiblesses et ses besoins en terme de compétences nouvelles.
  • La reconnaissance au travail. Elle est assurée à travers l’individualisation des réponses. Un temps est accordé aux employés pour les accompagner dans leur progression et surtout marquer les évolutions positives.
  • Le respect de la vie privée. Transparence de la méthode ne signifie pas transparence des salaires. Confiance et respect de la vie privée peuvent ici être conjugués.

Les entreprises ayant mis en place ce type de méthode se trouve également confrontés à certains défis :

L’investissement en temps / homme pour la mise en place du système

La définition des compétences en particulier réclame du temps afin d’être le plus pertinent possible pour l’entreprise.

Si chez Captain Train, les définitions étaient assez généralistes, nous nous sommes rendus compte que la plupart des entreprises attendaient plus de précision pour parer au maximum à la subjectivité du manager. Ce constat nous a amené à proposer des définitions plus détaillées selon notamment les spécificités métiers.

Comme il est indispensable d’impliquer les employés au maximum afin qu’ils adhérent et participent à la construction du changement, la définition des compétences est une belle porte d’entrée.

L’investissement en temps / homme pour son maintien

Une mise à jour régulière doit être assurée afin de garantir l’adéquation avec le marché du travail et les besoins et métiers internes.

Cependant le temps accordé à cette mise à jour est largement compensé par le temps gagné lors des campagnes annuelles d’augmentation.

L’organisation des augmentations lors de la transition vers une grille de salaire

Les écarts entre les salaires actuels et ceux découlant de la formule sont inévitables. Il est donc nécessaire soit d’admettre une augmentation de la masse salariale ou d’organiser un échelonnement dans un délai définis.

Une moindre flexibilité des salaires

Le but d’une telle formule est d’assurer une homogénéité au sein de la population. Les salariés doivent avoir confiance dans le respect de la formule. La méthode pourrait fortement pâtir de trop de recrutement ou augmentation « hors cadre » et il faut être prêt à renoncer à un candidat « star » demandant un salaire injustifiable au regard de la formule. La paix sociale, à notre sens, est à ce prix.

Au regard des avantages et inconvénients que nous avons décrits pour chaque approche, vous devriez plus facilement opter pour celle qui vous convient le mieux en fonction de vos valeurs, objectifs prioritaires et moyens.

Nous avons créé Clearwage parce que nous sommes convaincus que la méthode de la grille de salaire présente des atouts clefs au bien-être des salariés et ce quel que soit le stade de développement d’une entreprise.

Cependant le passage d’une politique à l’autre peut sembler compliqué lorsque l’on commence à aborder la question et certaines entreprises repoussent le chantier en préférant maintenir un statu quo.

Pour ces entreprises, nous avons simplifié au maximum toutes les étapes de la transition : de l’analyse de la masse salariale existante à la génération de la grille en passant par l’établissement d’un parcours de compétences adaptées à chaque métier.

Si vous souhaitez en savoir plus sur notre outil, contactez-nous !


La meilleure politique salariale ?

Épisode 1 : La décision salariale aux mains des managers

Épisode 2 : Les salariés fixent eux même leur salaire

Épisode 3 : La décision salariale encadrée par une formule objective